Préprofessionnalisation : un projet à améliorer

Pour le Sgen-CFDT il faut lever les confusions problématiques entre formation et moyens de remplacement et inscrire clairement la préprofessionnalisation dans le cadre d'un continuum universitaire de montée en compétences.

Le Sgen-CFDT a toujours soutenu le principe de modules de pré-professionnalisation en licence, voire la création de véritables parcours pour les étudiants souhaitant devenir enseignants ou CPE. Encourager de tels engagements par des stages rémunérés en école ou en établissement est plutôt intéressant mais l’évolution du dispositif des AED  tel qu’il est pour le moment proposé ne s’inscrit pas dans cette perspective puisqu’il se situe en marge de l’université. Le Sgen-CFDT demande une modification du texte pour permettre l’élaboration d’un véritable continuum, de la licence au master, dans le cadre d’une formation nécessairement diplomante et rémunérée.

Un projet adossé au contrat AED

Jean-Michel Blanquer a annoncé vouloir faire évoluer le contrat des assistants d’éducation (AED) pour les étudiants se destinant aux métiers de l’éducation nationale. Il s’agirait de s’assurer d’un vivier de recrutement plus large, en particulier pour les étudiants financièrement défavorisés. Mais les missions d’enseignement confiées à ces étudiants avant même leur recrutement et sans formation spécifique adaptée font craindre une nouvelle précarisation de la formation des enseignants et des CPE.

Le dispositif de préprofessionnalisation des AED pour le moment envisagé et présenté aux organisations syndicales se décline de la façon suivante :

  • contrat de 3 trois ans pour des étudiants inscrits à l’université en L2-L3-M1 ;
  • quotité de travail dans les écoles ou les établissements fixée à 8 heures par semaine sur 39 semaines, soit 312 heures annuelles ;
  • service d’enseignement d’un tiers-temps en M1 ;
  • contrat de droit public signé par le chef d’établissement ;
  • rémunération progressive cumulable avec une bourse d’étude sur critères sociaux (ce montant cumulé permettrait aux boursiers des échelons les plus d’atteindre un niveau de rémunération similaire à celui d’un apprenti au taux majoré) ;
  • maquettes des concours externes adaptées et qui intégreraient une option pour reconnaître la spécificité du parcours des AED concernés (concours externe adapté). Les AED qui le souhaitent pourraient s’inscrire aux concours internes de recrutement des enseignant.es et des CPE après trois ans de service et à condition de justifier d’une licence.

Ce projet, s’il est adopté en l’état, nécessitera un aménagement du dispositif actuel. Le projet de loi Blanquer « Pour une école de la confiance » prévoit bien à l’article 13 de permettre aux AED d’exercer des missions d’enseignement. Un décret fixera le recrutement de ces étudiants à bac +1. Le rectorat sera en charge du pilotage du dispositif : il demandera aux universités de réserver « un traitement privilégié » pour ces étudiants (attributions d’ECTS ?) et de prévoir un emploi du temps adapté ; il organisera des temps de regroupement de ces étudiants qui bénéficieront d’un tutorat en établissement.

Ce nouveau contrat pour ces AED se substituerait aux contrats actuels des EAP (étudiants apprentis professeurs) pour les étudiants de L2-L3 et des contractuels-alternants (M1) actuellement mis en œuvre dans les académies d’Amiens, de Créteil, de La Guyane, de Reims et de Versailles. Pour la DGRH, il s’agit à nouveau de privilégier des recrutements pour le premier degré dans ces académies déficitaires ou dans le second degré pour les disciplines en souffrance (lettres, langues, mathématiques). L’objectif sur trois ans est de toucher environ dix mille étudiants (trois mille par an).

Ne pas oublier la question de l’attractivité du métier

La dimension sociale de ce nouveau dispositif est à saluer même si le montant de la rémunération pour le moment n’est pas encore fixé. Elle ne saurait pour autant exonérer le ministère de l’éducation nationale à mener une véritable réflexion sur l’attractivité du métier. Le manque d’enseignants dans certaines académies ou dans certaines disciplines est aussi imputable à une dévalorisation du métier et à une difficulté d’exercice. L’élévation du niveau de recrutement ne saurait tout expliquer. À ce sujet, privilégier une forme de prérecrutement dès la licence et indépendamment du dispositif global de formation prévu à l’ÉSPÉ dans le cadre du master MEEF nie à la fois le principe de l’universitarisation de la formation des enseignants et la nécessaire montée en compétences des enseignants. 

Par ailleurs, les « activités pédagogiques » confiées à ces étudiants prévoient clairement une responsabilité en M1 (« Enseignement de séquences pédagogiques complètes ») et des missions de remplacement d’enseignants possibles dès la L2, au moins dans le premier degré (« encadrement d’activités adaptées et préalablement organisées, notamment en cas d’absence ponctuelle et prévue »). Ce dispositif pose encore une fois la problématique de l’entrée progressive dans les métiers de l’éducation nationale et du cadre dans lequel doit s’inscrire la formation à ces métiers. Découvrir les différentes missions d’un enseignant est une chose mais instrumentaliser cette ambition pour confier à des étudiants des responsabilités d’enseignement dès la licence n’est pas acceptable. C’est là toute l’ambiguïté du texte proposé, qui, à nouveau, confond formation avec moyens d’enseignement.