Le rapport Mathiot, un travail bâclé

Une réforme en profondeur du baccalauréat et du lycée est un vaste chantier qui ne pourra aboutir à un résultat heureux si elle ne s'appuie sur des fondations solides. Malheureusement, le rapport Mathiot est plutôt bancal.

Élève Mathiot, méthode à revoir.

Une réforme en profondeur du baccalauréat et du lycée est un vaste chantier qui ne pourra aboutir à un résultat heureux si elle ne s’appuie sur des fondations solides: une analyse en profondeur et une synthèse méthodique de la situation actuelle et des évolutions potentielles aboutissant à des propositions.

Le rapport Mathiot (disponible ici) devait représenter cela et, malheureusement, on est très loin du compte. On se demande bien comment, avec les moyens mis en œuvre pour la réalisation de ce rapport (cf. Annexe 1, Lettre de mission, 3e paragraphe en partant de la fin, p.52), on peut aboutir à un document aussi médiocre.

Élève Mathiot, commence ses devoirs par la fin…

En effet, à la lecture du document, il n’y a aucun indice qui pourrait amener à penser que les propositions faites sont véritablement le fruit d’une réflexion reposant sur une telle analyse et synthèse. Tout suggère au contraire que ces propositions ont été faites a priori par les auteurs du rapport (voire ses commanditaires) et que celui-ci n’est qu’un artifice pour leur donner plus de substance.

Commençons par une lecture linéaire du document.

Page de garde: « Rapport remis par Pierre Mathiot Professeur des universités ». Étonné par ce qualificatif volontairement énigmatique, on veut en savoir un peu plus. Qui est donc ce Pierre Mathiot? Un professeur des universités en Sciences de l’éducation? Pas du tout. Il s’agit d’un professeur des universités en Science politique. On ne dit pas que cela le rend totalement incompétent pour émettre des propositions sur la réforme du bac mais ce n’est certainement pas le mieux placé pour pondre ce rapport. Il y a une différence entre émettre une opinion politique éclairée sur la question et rédiger un rapport factuel qui permette justement d’éclairer les choix politiques relatifs à cette question. Mais donnons au Professeur Mathiot le bénéfice du doute et continuons notre lecture.

Passons le sommaire et l’introduction qui ne présentent pas de réel intérêt et attardons nous un peu à la section Méthode (p.7-8). On apprend que ce rapport repose sur:
– l’audition de centaines de représentants d’organisations et d’institutions;
– trois déplacements dans des lycées;
– des échanges avec les responsables de la mission « voie professionnelle »;
– des contributions volontaires;
– des échanges avec le Conseil national de la vie lycéenne;
– un questionnaire à destination des lycéens;
– une démarche comparative avec d’autres modèles de bac à l’international.

Élève Mathiot, Manque d’application

A priori, on devrait se réjouir que ce rapport s’appuie sur tant de matière. Il faut dire que ça en fait de la matière, surtout pour un rapport commissionné le 10 novembre et rendu le 24 janvier. On peine à croire qu’en deux mois et demi Pierre Mathiot ait pu faire la synthèse des propositions des 92 organisations auditionnées citées en annexe, fait un bilan complet de ses déplacements (surtout celui du 16 janvier à Valentigney), échangé avec ses collègues missionnés, analysé toutes les contributions volontaires, échangé avec le CNVL, analysé les résultats du questionnaire, fait une étude comparé du modèle français avec des modèles étrangers, et digéré tout cela pour en tirer des propositions. On peine d’autant plus à le croire que ces différents éléments sont totalement absents du rapport. Aucune référence n’est faite aux échanges, ni à ce qui a pu être constaté lors des déplacements. Le questionnaire est totalement absent du rapport, pourtant il aurait été simple de l’inclure en annexe ainsi que les statistiques générales des 46000 réponses aux questions posées. Le rapport ne s’appuie quasiment sur rien. Les références sur lesquelles s’appuie ce document sont en effet rares au point que l’on peut les regrouper en quelques lignes:
– une citation de Jean Zay datant de 1943 sur l’importance de la formation à l’expression orale (p.16);
– une référence aux auditions (p.18);
– une unique référence à une expérience concrète (p.25): le programme d’études intégrées développé à Sciences Po Lille depuis 2007, date à laquelle Pierre Mathiot était président de Sciences Po Lille;
– quelques pourcentages par-ci, par-là (p.33 par ex.);
– une référence à un autre rapport sur les Parcours d’excellence, édité par Pierre Mathiot (p.43);
– une référence à un autre rapport décrivant les systèmes éducatifs dans d’autres pays (p.45).

Élève Mathiot, ne répond pas à la question posée

Pour résumer, Pierre Mathiot ne fait référence qu’à lui-même. Ce rapport ne répond absolument pas à l’objectif proposé, aucune synthèse n’ayant été réalisée. Tous les moyens mis en œuvre pour la réalisation de ce rapport ne l’ont été que pour créer l’illusion d’un travail sérieux et ont représenté un gâchis monstrueux. En réalité, il s’agit d’un travail bâclé. S’il faut en garder une partie, on ne retiendra que l’annexe 4 « La part de contrôle continu dans l’acquisition du certificat d’études secondaires – Éléments de comparaison internationale » (p.58-63), au moins on y apprend quelque chose et ça permet une meilleure base de réflexion que le corps même du rapport.

On en profite pour faire une petite proposition qui ne concerne pas le bac mais le bon fonctionnement du ministère. La prochaine fois qu’il faut missionner un rapport, joindre à la lettre de mission trois arguments justifiant le choix du responsable de la mission. Avec un peu de chance, on arriverait à des rapports sérieux qui feraient vraiment avancer la réflexion de façon objective.